L’exploitation du Réseau express régional est programmée au-delà de 2020. La Région bruxelloise, via son ministre de la Mobilité, estime qu’on pourrait lancer dès maintenant une partie du réseau. Une option qui soulève des questions techniques et politiques.

Est-il techniquement possible de mettre en service un RER sur les lignes qui sont déjà aménagées ? Infrabel, gestionnaire du réseau et pilote des travaux en cours, répond très clairement “non“. Son porte-parole rectifie d’abord les propos de Bruno De Lille en rappelant que la ligne ferroviaire vers Malines n’est pas comprise dans le maillage RER, même si elle dispose déjà de quatre voies. En fait seules deux lignes ont bouclé leurs mises à quatre voies : celles de Louvain et de Hal. Celle de Denderleeuw est en passe d’être terminée tandis que celle de Nivelles accuse un retard certain en raison de recours multiples. La ligne 161 vers Ottignies est quant à elle finalisée à 80 % au niveau du génie civil, précise Infrabel. Cet été, le gouvernement a établi que les lignes “wallonnes” du Réseau express régional devraient être terminées pour 2021 et 2023 et non 2025 comme on le craignait depuis le début de l’année. Au demeurant, le projet lancé au début des années 2000 met un temps fou à se concrétiser.

Pour autant, “le RER a été conçu comme un plan englobant ces cinq axes”, précise le porte-parole d’Infrabel. Lancer l’exploitation d’une partie du réseau n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes technique. Ainsi, le RER c’est quatre ou cinq trains par heure. “Que ferait-on de tous ces trains une fois qu’ils arrivent à Bruxelles ?” En clair, il est nécessaire de disposer d’un réseau suffisamment étendu pour absorber les flux nouveaux que le système suppose. Autre problème : l’engorgement actuel de la jonction Nord-Midi. L’option d’un nouveau tunnel sous cette jonction a été rejetée, faute de budget. Diriger des trains vers des gares de moindre importance, comme le suggère Bruno De Lille ? Peu attractif pour les voyageurs, réplique-t-on.

Le spectre de la régionalisation de la SNCB

D’autres sources pointent quant à elles des freins politiques, voire communautaires. Les lignes qui ont bien avancé sont en effet celles qui plongent au nord du pays.“Bruno De Lille a un discours flamand alors que l’on parle de la régionalisation de la SNCB après les élections de 2014”, glisse un anonyme. Dans un tel scénario, la Flandre recevrait un réseau finalisé et non la Wallonie qui devrait par ailleurs gérer un rail plus coûteux pour des raisons topographiques notamment. Autre question : qui payerait les déficits d’exploitation des nouvelles lignes RER qui, à leur début, ont peu de chance d’être rentables ?

Bref, le RER est un nœud à problèmes et un large consensus existe dans le monde politique pour ne pas trop en parler avant les prochaines élections. L’engorgement chronique de Bruxelles semble encore avoir de beaux jours devant lui.M. Co.

“Qu’on inaugure au moins trois lignes”

Bruno De Lille (Groen), secrétaire d’Etat bruxellois à la Mobilité, revient de Bordeaux dont le centre-ville s’est spectaculairement transformé en quelques années. Le contraste avec les lenteurs belges est saisissant. Réflexions de l’écologiste néerlandophone.

Quand on dit lenteur, on pense au RER. Pourquoi stagne ce dossier ?

Le fédéral et la SNCB ont tous les deux leur propre agenda. Notre manière de fonctionner freine tous les grands projets qui peuvent avoir une influence énorme sur le développement de Bruxelles. On se cache derrière la complexité bruxelloise.

Le RER est pourtant un projet d’intérêt général.

Je constate que la SNCB n’est pas convaincue que ce soit à elle de développer un RER pour Bruxelles. Mon administration me confirme que les lignes vers Louvain, Hal et Malines ont été mises à quatre voies. Le matériel roulant a été acheté, il roule mais pas pour le RER. Or, on en a besoin pour alléger le trafic des navetteurs et créer un réseau à l’intérieur de Bruxelles. Personne ne peut m’expliquer pourquoi ces lignes ne fonctionnent pas. L’Etat fédéral a pourtant payé. Il faut aussi développer les lignes latérales et abandonner cette idée hyper-centralisée de Bruxelles. Nous avons un réseau remarquable et moins d’1 % des déplacements à l’intérieur de Bruxelles se font en train. C’est idiot.

Les vice-Premiers Onkelinx et Reynders ont affirmé leur volonté de pousser le dossier RER.

Qu’ils inaugurent ces lignes… J’applaudirai. Cette situation est incompréhensible. On me dit que cela va coûter de l’argent ? C’est vrai, mais une solution est possible avec la Région bruxelloise et la Région flamande. Je rappelle que celle-ci réfléchit à un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros pour un élargissement du ring alors qu’il y a la solution RER.

Quel est l’intérêt de l’élargissement du ring d’un point de vue flamand ?

Moi je suis contre. C’est trop d’argent pour un projet qui va nuire à Bruxelles. OK, il y a des embouteillages, mais ceux-ci vont se déplacer à l’intérieur de Bruxelles. C’est mauvais pour l’environnement, pour la santé publique et pour notre économie.

L’objectif flamand n’est-il pas de desservir les zones économiques de la périphérie ?

Je n’en sais rien. C’est possible.

Dans le cadre des discussions sur le stade, votre gouvernement s’est justement montré plus ouvert au projet d’élargissement du ring.

Non. Nous disons que l’on peut peut-être travailler sur les sorties et les entrées, notamment pour desservir le futur stade. Ensuite, nous demandons une étude de mobilité pour Bruxelles et la zone métropolitaine. C’est tout de même con de faire une étude sur les alentours de Bruxelles et de ne pas prendre en compte ce qu’il y a à l’intérieur du ring.

Mais cette zone métropolitaine n’est encore qu’une coquille vide.

Ce concept est issu de la sixième réforme de l’Etat et a provoqué pas mal de tensions. Laissons-la se remplir avec des projets où tout le monde gagne. Le monde économique pousse d’ailleurs dans cette direction.

C’est nouveau ?

Pas vraiment. Il sait que l’économie ne s’arrête pas aux frontières de Bruxelles. Les entreprises payent pour ces problèmes de mobilité. Pour les livraisons, c’est l’aspect logistique, et ensuite elles ont des problèmes pour trouver du personnel qualifié à l’intérieur de Bruxelles, et vont donc le chercher en Flandre et en Wallonie. Dès le moment que ces personnes trouvent du travail près de leur domicile, elles s’en vont. C’est un handicap