door Arthur Sente © Le Soir
La manifestation festive mensuelle a travaillé son image au cours des dernières années. Aujourd’hui, elle est capable de dépasser les 400 participants.
Tous les derniers vendredis du mois, plusieurs centaines de militants du vélo se donnent rendez-vous porte de Namur à 18 heures. C’est là, en effet, que la Critical Mass (ou « Masse critique », pour les anglophobes) prend son élan, avant de se lancer à deux roues à travers les rues de la capitale. Ce joyeux cortège, qui est récemment parvenu à dépasser le cap des 400 participants lors de son édition « kids friendly » du mois dernier, s’engage alors dans une promenade durant laquelle il est capable d’imposer le tempo au trafic automobile, avec un mot d’ordre : « Nous ne bloquons pas la circulation, nous sommes la circulation » . Réaffirmer la place légitime du vélo sur la voirie, au même titre que n’importe quel autre moyen de locomotion autorisé, tel est l’objet premier.
Le mouvement des Masses critiques est né à San Francisco en 1992. Depuis, il s’est largement répandu dans de nombreuses grandes (ou moins grandes) villes du monde ainsi qu’à Bruxelles, où il fêtera ce week-end ses 20 ans d’existence. Un anniversaire à l’occasion duquel est organisée ce samedi une Masse critique rassemblant les mouvements de plusieurs villes du royaume et pour laquelle les organisateurs espèrent voir le millier de participants dépassé. Celle-ci prendra son envol à 15h, à partir du Cinquantenaire.
A 55 ans, Stéphane Smets est, avec 18 années de participation à « la Masse », un des vétérans du mouvement. « A l’époque, il n’y avait que 2 ou 3 personnes dans l’organisation pour une dizaine de participants raconte-t-il. On était réuni sous une bannière commune appelée Placeovélo » , plateforme qui existe d’ailleurs toujours. Au début du mouvement, une grande part du défi était également de faire de l’information sur une pratique encore très marginale en ville : comment verrouiller un cadenas, quels chemins emprunter pour circuler dans des conditions sécurisées, etc. « Ça a notamment eu un impact sur les itinéraires cyclables officiels d’aujourd’hui » se targue Stéphane Smets.
Pendant les années qui ont suivi, la balade collective n’a rien perdu de son mordant, que du contraire. Bien connu dans les milieux militants, Liévin Chemin a aussi pris part un temps à la coordination de
ces rencontres « manifestives ». Très actif entre 2003 et 2013, il revient sur des années où la « masse » était aussi l’occasion de secouer le cocotier politique (parfois de manière très littérale) à propos de la place des vélos en ville. « A l’époque, on avait une fois été réveiller Bruno De Lille et Brigitte Grouwels pour les faire rouler en tandem », se remémore-t-il. Devenu moins assidu aux rendez-vous du vendredi ces derniers temps, il voit malgré tout avec un grand plaisir le phénomène prendre de l’ampleur. « Le maximum qu’on avait fait à l’époque, c’était 200 personnes. Aujourd’hui, c’est devenu la norme pour chaque édition ».
Petit à petit, une nouvelle vague de participants a en effet pris le relais, donnant au passage une impulsion nouvelle au mouvement, grâce à un usage intensif et bien maîtrisé de la communication sur les réseaux sociaux. Benjamin François fait parti de celle nouvelle génération de « non-organisateurs », comme il le dit avec humour. Selon lui, le mouvement a fait de gros efforts pour paraître moins hermétique, un reproche qui lui était visiblement adressé par certains.
« Sous le dicton de la convergence des luttes, la masse s’est un peu perdue dans la lutte contre la prison de Haren, pour la protection des potagers en ville et 36 autres choses. C’est vrai qu’on milite pour une mobilité différente, mais pour moi, on doit vraiment se concentrer là-dessus pour éviter de perdre des gens. Le Gracq (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens, NDLR) le dit d’ailleurs intelligemment : Le vélo, c’est ni de gauche, ni de droite . Moi je peux me retrouver avec un lobbyiste de Monsanto à côté de moi dans la masse, je ne vais pas me sentir mal. Par contre, quand on ira boire une bière après, c’est une autre question. » Une démarche payante, même s’il n’est pas question de se reposer sur les lauriers actuels. « Les premières masses, qui brassaient 100-150 personnes, ça représentait presque la moitié des cyclistes de Bruxelles rappelle-t-il. Si on avait gardé les mêmes proportions, on devrait presque être à 10.000. Au final, proportionnellement, on est moins performant, mais on est aussi beaucoup plus mainstream que les masses précédentes. »
A la veille de l’anniversaire de la Masse critique bruxelloise, l’engouement est palpable chez ses adeptes. A l’instar de Sindy, tombée dedans il y a un an et demi, et qui se définit comme « simple » participante : « On a l’impression de faire partie d’une communauté, d’un groupe de citoyens qui se mettent en selle pour une cause. Même si le mouvement n’est pas politisé, rouler en ville à vélo, c’est déjà un geste politique. C’est un geste, pas de rebellion, mais de différenciation par rapport à d’autres usagers de la ville » explique-t-elle avant de souligner que, tout revendicatif qu’il est, l’événement n’en est pas moins non plus un mouvement social avec un grand « s » : « J’ai rencontré mon amoureux via la masse critique. C’est mieux que Tinder. »
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